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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/149

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dans un dialecte prâcrit (dérivé du sanscrit) tout différent de la langue où sont rédigées les inscriptions ; c’est un dialecte nettement artificiel, façonné pour l’usage du chant ; les articulations fortes se réduisent, les douces s’évanouissent, les mots n’y sont guère que des successions de voyelles. Les grammairiens l’ont consacré sous le nom de mahārāṣṭrī, « langue du pays mahratta » pour rappeler le berceau d’où il est sorti. Le nom de Çātavāhana, l’éponyme de la dynastie, est associé à la naissance d’une des grandes œuvres de la littérature indienne, la collection de contes réunis par Guṇāḍhya sous le titre de Bṛhatkathā. Guṇaḍhya est un des ministres du roi Çātavāhana ; à la suite d’un pari imprudent qu’il perd, l’usage des trois langues littéraires (le sanscrit et deux prâcrits) lui est interdit ; il est réduit à faire usage d’un dialecte exclu de la littérature, le dialecte paiçācī « démoniaque ». L’auteur avait osé donner à des contes populaires une forme populaire, il a expié sa témérité, l’original est perdu, nous n’en avons plus que des remaniements sanscrits, systématiquement anoblis pour être admis dans le monde de convention de la littérature sanscrite. Mais la Bṛhatkathā n’en a pas moins été pendant des siècles le trésor inépuisable où le théâtre et le roman prenaient leurs sujets et leurs personnages. Le gagnant du pari perdu par Guṇāḍhya, son collègue au conseil des ministres de Çātavāhana, nommé Çarvavarman, avait gagé d’enseigner le sanscrit en six mois à son maître ; il y réussit, paraît-il, grâce à une méthode nouvelle et simplifiée qu’il expose dans la grammaire appelée Kātantra. Le sanscrit, que Pāṇini traitait un demi-millénaire plus tôt comme une réalité vivante et directement