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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/148

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l’énoncé de la donation instituée par la mère de ce prince en faveur d’une secte.

On mesure d’un coup d’œil l’intervalle qui sépare cette phraséologie pompeuse et froide des phrases proprement lapidaires où s’exprimait Açoka. Quatre cents ans se sont écoulés, autant que de Joinville à Bossuet, de Villon à Hugo. Le génie indien a déjà passé son apogée, la décadence a commencé. Le pédantisme et l’artifice suppléent à la pauvreté de la pensée, à la froideur du sentiment. L’impression est beaucoup plus forte et plus nette encore si on lit le texte original, avec ses effets d’allitération et ses longs composés, tel le mot : divasakarakaravibodhitakamalavimalasadisavadanasa. L’entassement des noms de héros épiques évoqués pour célébrer les mérites du roi est un signe de la popularité des grandes épopées que l’historien de la littérature recueille avec soin, mais la physionomie personnelle de Gotamīputra disparaît sous cette surcharge accablante. Toutefois les excès même de l’art attestent le raffinement de la culture à la cour des Sātakaṇi. D’autres témoignages viennent à l’appui : un des rois Sātakaṇi, Hāla, que les listes dynastiques des Purāṇa classent six générations avant Gautamīputra, passe pour l’auteur d’une collection de sept cents stances (Hāla Saptaçati) d’inspiration galante ; chacune d’elles est un petit tableau de genre, digne d’être illustré par un Fragonard ou un Boucher, une vraie merveille de fausse ingénuité et de libertinage délicat. Le recueil, au dire des commentateurs, est plutôt une anthologie qu’une composition personnelle du prince ; une nombreuse école de poètes aurait cultivé ce genre avec une égale perfection. Les stances sont écrites