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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/210

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et de son expérience sous la forme la plus appropriée à son génie, et cependant la mieux faite pour charmer l’univers entier, qui va se nourrir et se régaler de ses leçons : le Pañcatantra, le « Pentateuque » des fables et des fabliaux est traduit du sanscrit en pehlevi par le médecin Bourzouyah. L’histoire, plus ou moins authentique, est bien connue : Chosroès entend dire qu’il existe dans l’Inde un livre merveilleux, estimé des rois comme des savants, qui enseigne tout ce qu’un prince doit savoir pour conduire sa vie. Il charge le médecin Bourzouyah, qui connaît la langue de l’Inde, d’aller chercher ce texte — tout comme les empereurs et les impératrices de Chine envoyaient des missions à la recherche des ouvrages bouddhiques. Bourzouyah dissimule l’objet réel de sa recherche, se ménage des amitiés, enfin un courtisan qu’il a su capter lui apporte le manuscrit de l’ouvrage tiré de la bibliothèque du roi. Bourzouyah copie, traduit nuit et jour, et rapporte à Chosroès le livre de Kalila et Dimna (du nom des deux chacals Karaṭaka et Damanaka qui figurent dans le récit d’introduction). Du pehlevi, on le sait, le livre passe en syriaque et en arabe, de là en espagnol, en hébreu, en latin et enfin dans toutes les langues de l’Europe. Par l’intermédiaire d’une traduction persane exécutée sur l’arabe au xv-xvie siècle, et traduite à son tour en français au milieu du xviie siècle (Le Livre des Lumières ou la Conduite des Roys, Paris, 1644), le Pañcatantra aboutit dans notre littérature à La Fontaine.

Et tandis que Bourzouyah apportait en Perse la traduction du Pañcatantra, une longue suite de grands traducteurs continuent à passer de l’Inde ou de ses dépendances en Chine pour étendre à l’Empire du Milieu les bienfaits