Aller au contenu

Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’occasion, le roi-poète a su trouver des accents sincères pour exprimer la tendresse maternelle, l’amour filial, l’ivresse du sacrifice volontaire. Au reste, tout finit bien, comme la poétique l’exige, et le jeune prince martyr ressuscite par la grâce de la déesse Gaurī, l’épouse de Çiva. Outre ces drames, deux hymnes d’inspiration bouddhique se donnent aussi comme des œuvres de Harṣa.

La religion de Harṣa est comme son art, toute en nuance. Hiuan-tsang le représente comme un bouddhiste zélé ; Bāṇa, qui est brahmane, le montre qui prend l’engagement d’entrer dans les ordres de l’église bouddhique au terme de sa carrière. Et pourtant sur ses inscriptions, dont l’une porte la signature autographe du roi, tracée en caractères dont le plus novice graphologue apprécierait la grâce un peu mièvre, il se donne comme le premier des adorateurs de Çiva (Maheçvara) « compatissant aux créatures comme Maheçvara », tandis qu’il désigne son frère aîné, le défunt Rājyavardhana, comme le premier des adorateurs du Bouddha (Sugata) « heureux seulement d’être utile à autrui, comme le Bouddha », et son père Prabhākaravardhana comme le premier des adorateurs du soleil (Āditya) « dissipant la souffrance des vivants, comme le soleil ». En réalité, l’âme religieuse de l’Inde s’épanouit pleinement chez lui, comme chez un Açoka. Ce serait faire tort à ces princes que de vanter leur tolérance. La hauteur de l’esprit s’y combine étrangement avec l’excès de la crédulité. Absolue, suprême ou souveraine, la divinité d’adoption n’en laisse pas moins de la place à d’autres puissances qu’il serait imprudent de heurter. Lors de l’assemblée quinquennale tenue à Kanyākubja en présence de Hiuan-tsang, le roi avait convoqué « les çramanes, les brahmanes, les