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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/252

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exhumé un passé qui semblait aboli à jamais. Aussi haut que nous puissions remonter, la population est bigarrée comme la civilisation est composite. La région de Khotan, la plus voisine du monde hindou, était la plus hindouisée ; la langue courante, ou du moins en usage dans l’administration, était un pracrit, proche du sanscrit et apparenté aux parlers du Nord-Ouest de l’Inde, mais fortement imprégné d’éléments étrangers, encore mal définis, mais d’aspect surtout tibétain. La longue prépondérance du bouddhisme ne suffit pas à y sauvegarder le parler indien ; un dialecte iranien s’y implante, y fleurit, s’impose à l’Église du Bouddha. Un autre parler d’origine iranienne, primitivement propre à la Sogdiane, est porté dans toute la Sérinde par les colonies de marchands sogdiens qui y fondent des comptoirs ; le bouddhisme est obligé de consacrer le sogdien, et l’admet au titre de langue religieuse. Le long du T’ien-chan, l’apport hindou et l’apport iranien se grossissent d’un afflux hétéroclite ; au nord des montagnes, le bassin fermé de l’Ili, le bassin fermé de l’Iaxarte s’inclinent vers l’immensité des steppes où chevauchent et roulent les tribus nomades engagées dans un perpétuel voyage entre le Pacifique et la mer Noire, chaos énigmatique de races diverses : Scythes des écrivains classiques, Touraniens au regard de l’Iran, Hiong-nou (Huns), Yue-tche, Wou-souen de la géographie chinoise ; le fond en est essentiellement Turc, comme l’indique déjà suffisamment leur impuissance à créer une civilisation propre et leur souplesse à copier celle de leurs voisins ; c’est probablement au bouddhisme indien que le Turc a dû l’honneur de s’élever pour la première fois au rang d’une langue littéraire ; les sūtra bouddhiques ont été traduits en turc dans