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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/81

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vocabulaire gréco-indien fixe et consacré, il est bien permis de se demander, comme l’ont fait de bons esprits et des savants éprouvés, si l’épopée indienne, si le théâtre indien ne doivent pas leur naissance à des modèles grecs, si le roman grec ne doit pas sa naissance à des modèles indiens. La discussion du problème nous entraînerait bien loin, je m’y suis mêlé autrefois avec la fougue de la jeunesse. Dans les deux camps, on a peut-être manqué de mesure ; les uns ont trop affirmé, les autres trop nié. L’enlèvement de Sītā, péripétie centrale du Rāmāyaṇa, n’est point un pastiche de l’enlèvement d’Hélène ; le Chariot de Terre cuite (Mṛcchakaṭikā) n’est pas un dosage compliqué des œuvres de la moyenne ou de la nouvelle comédie attique. L’Inde a pu avoir de longue date, elle a eu certainement des chants épiques à la gloire de Rāma, des Pāṇḍava, et de bien d’autres héros ; mais l’idée de les grouper autour d’une action centrale, de les relier entre eux comme les parties d’un ensemble organique n’est pas si simple qu’elle ait dû surgir spontanément ; il n’est pas évident que des rhapsodies aboutissent par une nécessité fatale à un Homère. Et sous la forme où nous les connaissons, les deux grandes épopées de l’Inde datent d’un temps où les Grecs étaient familiers à l’esprit indien. Et de même l’Inde a pu avoir, même dès l’époque védique, des cérémonies, des rites, des fêtes où l’art dramatique avait une part, avec des acteurs chargés d’un rôle divin, héroïque, comique, avec des dialogues, des gestes, des danses, sans arriver jamais par elle-même à en dégager le drame, c’est à dire le développement dans un cadre régulier d’une action suivie, découpée dans un nombre fixe de portions