Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/82

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en équilibre. Et pour le théâtre indien comme pour l’épopée indienne les indices ne permettent pas de remonter plus haut que l’époque du Christ. À en croire Polyarnus, on jouait la tragédie grecque à la cour des Parthes : le roi Orodes assistait à la représentation des Bacchantes d’Euripide quand arriva la nouvelle de la victoire de Carrhai qui sonnait le glas de la poussée romaine vers l’Orient ; l’acteur qui jouait le rôle de Jason saisit la tête de Crassus, apportée comme la preuve de son désastre, et s’élança sur la scène en récitant les vers de son rôle, si justement appropriés : « Nous apportons de nos montagnes ce butin précieux… » Hérode, roi juif de Jérusalem, faisait construire à ses frais un théâtre dans Athènes comme un hommage rendu à la civilisation grecque dans sa fleur. Un Démétrius ou un Ménandre ne devaient pas témoigner plus d’indifférence au théâtre de leur propre nation qu’un Orodes ou qu’un Hérode, tous deux barbares d’origine.

La part de l’Inde, dans ces échanges, apparaît plus lourde du côté du passif que de l’actif. L’Inde elle-même n’a pas mieux tenu le compte de ses créances que de ses dettes ; tout dans son passé est si confus qu’il faut commencer par lui restituer son bien propre avant de rechercher chez ses voisins des emprunts hypothétiques. En tout cas, il est un domaine où l’Inde d’avant le Christ pouvait soutenir victorieusement la comparaison avec la Grèce : l’Inde avait créé un type de doctrine morale qui déconcerte encore aujourd’hui l’intelligence de l’Occident comme il restait déjà une énigme aux compagnons d’Alexandre, une sagesse transcendante qui proclame la douleur identique