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LE NÉPAL


chipel indien, le Tibet entendent les vérités sublimes venues de l’Inde et nourrissent leur foi des saintes écritures et des saintes légendes que l’Inde leur envoie.

Mais, tandis qu’il triomphe en dehors de l’Inde, le bouddhisme recule, bat en retraite, expire dans l’Inde. Le brahmanisme s’est insinué derrière le rejeton qu’il désavouait, et recueille son héritage. Il se réclame des dieux communs que le bouddhisme lui a empruntés, du prestige séculaire de sa caste, dépositaire de sagesse et de puissance surnaturelles. Seigneurs, chefs, rois l’accueillent avec bienveillance, presque avec faveur ; il apparaît comme un contrepoids et comme une sauvegarde. Les couvents du bouddhisme, sans cesse enrichis de pieuses donations, puissants par leur durée, leur stabilité, leur hiérarchie, maîtres des âmes et maîtres de vastes domaines, tiennent en échec l’autorité laïque et risquent de l’annuler. Le brahmane est moins redoutable ; il n’a pas contracté de vœux ni d’engagement ; il est libre, indépendant, isolé ; il se mêle au siècle, il ne fonde pas d’ordre, il ne vit pas en communauté. Mais ce solitaire se trouve être l’ouvrier patient et sûr d’une tâche méthodique qui traverse les siècles : façonné par un long passé d’ancêtres pliés tous à la même doctrine comme aux mêmes pratiques, modelé par une éducation traditionnelle, contenu dans ses rapports sociaux par les prohibitions de la table et du lit, le brahmane incarne un idéal uniforme. Il ne rêve pas de la fraternité humaine ni du salut universel ; il ne vise qu’à la suprématie, et pour la fonder il lui faut le système des castes ; sa personne fait corps avec ses institutions, ses croyances, ses lois.

Poussé par le hasard ou les nécessités de la vie sur la terre des barbares, le brahmane tout d’abord consacre son nouveau domaine. Les docteurs de l’orthodoxie ont eu beau tracer autour des Aryens, comme un fossé, d’étroites limites