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LES PREUVES DU GRAND VÉHICULE

objet le Sens du Positif[1] ; de là provient l’arrivée à l’Idéal ; à ce point, la notion se produit. Et si elle se produit dans le Quant-à-soi, comment donner une solution tant qu’on n’en est pas à ce point ?

Le mot yo, dans le premier quart de vers, représente yoniçaḥ. La connaissance qui sort de l’Acte mental, c’est la Vue-Régulière supra-mondaine. On arrive ensuite à l’Idéal, qui en est le fruit. La notion désigne la connaissance de la Libération. Étant donné que cette notion se produit dans le Quant-à-soi, comment décider, tant qu’on n’en est pas à ce point, que ceci n’est pas la parole du Bouddha ?

Il n’y a pas lieu de s’effrayer ; un vers.

17. « Je ne comprendrai pas ; un Bouddha ne comprend pas ce

    est étranger au sanscrit classique ; cependant il est enregistré dans l’Amarakoça I, 1, 4, 11 (où Loiseleur donne comme équivalent manasikâra) ; il y est défini : cittâbhoga. Loiseleur traduit : « réflexion ou considération [acte de l’esprit sur un sujet présent à ses pensées, exercice du jugement ; ou bien action d’explorer les preuves d’une chose] ». Mais Loiseleur n’a pas assez marqué le contraste voulu de ° kâra et ° âbhoga : tandis que l’esprit (manas) travaille activement, la pensée [citta] reste passive, elle subit l’action (cf. sup. I, 7 an-âbhoga) ; elle ne reste pas impassible, désintéressée de l’action de l’esprit. Le tibétain traduit manaskâra et manasikâra par les mêmes mots : yid la byed pa, transposition littérale des deux termes : yid-la = manasi ; byed-pa = kâra. Un passage du Kandjour (cité par S. C. Das s. v.) donne une bonne interprétation : « le manaskâra, c’est fonctionner sur les Intelligibles (ćhos rnams la ’jug pa = dharmeṣu pravṛttiḥ) ». Le chinois, lui aussi, traduit littéralement tso yi « faire pensée ». Le yoniço-manaskâra « l’acte foncièrement mental » est proclamé « le premier signe précurseur des sept Membres de l’Illumination » (Saṃy. N. V, 31 sqq.) ; il précède immédiatement et prépare les quatre Abandons Réguliers (samyakprahâṇa), ibid. Et en effet l’acte qui est foncièrement mental est dégagé de la Forme matérielle (rûpa ; il se passe dans un plan supérieur, celui des dharma, de l’Intelligible. Le Vinaya pâli, commentant la formule initiale du Prâtimokṣa, glose le mot manasikar ° par ekaggacitta ° avikkhittacitta ° avisâhaṭacitta ° nisâme ° « percevoir tandis que la pensée est recueillie, sans dispersion, sans confusion ». Cette explication équivaut à la définition du mot dans l’Amarakoça.

  1. Tattva. En tibétain de kho na ñid « être exactement ceci ». En chinois tchen che « réel, exact ». Le tattva, dans le système Yogâcâra, est défini inf. chap. VI ; il consiste essentiellement à dépouiller les mots de toute valeur concrète, à en éliminer le contenu matériel, à cesser d’en réaliser la signification. Ainsi le tattva se trouve coïncider avec le plan de l’Intelligible (dharma-dhâtu), XI, 14. Mais il est encore à deux compartiments ; il a l’Indice de Toute-Souillure (saṃkleça-lakṣaṇa) et l’Indice de nettoyage (vyavadâna-lakṣaṇa) ; XII, 5.