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LES PREUVES DU GRAND VÉHICULE

entouré de camarades aussi inférieurs en Croyance et en Plan que lui, si cet être ne croit pas à cet Idéal du Grand Véhicule, bien prêché en sublimité et en profondeur, la preuve est faite : c’est bien là le Grand Véhicule, ce Véhicule éminent !

C’est un tort de repousser des Sûtras sans les entendre ; un vers.

19. Si on est arrivé à être intelligent en se prêtant aux leçons et si on fait le dédaigneux lorsqu’il reste encore tant et tant à entendre, comment prendre un parti ? c’est pure folie !

Admettons qu’on n’ait pas la Croyance ; c’est toujours un tort de rejeter indistinctement des Sûtras qu’on n’a pas encore entendus. Si on est arrivé à être intelligent justement en se prêtant aux leçons, et qu’on affiche le dédain des leçons, on est stupide ; quand il reste à entendre tant et tant, pour quelle raison déclarer avec assurance : Ceci n’est pas la parole du Bouddha ? La seule force qu’on a vient justement des leçons ; c’est donc un tort de rejeter sans entendre.

La leçon entendue, il faut en faire un Acte foncièrement mental,

    l’existence d’un moi par-delà ses activités, sauf la présence du citta, autrement dit, de l’âlaya-vijñâna. L’âlaya-vijñâna est un grenier où toutes les semences sont systématiquement mises en réserve ; il est la cause et l’effet de tous les phénomènes possibles (bîja « semence », XI, 32 ; 44 ; 49). Pour justifier cette conception, Asaṅga cite avec plus d’adresse que de raison un passage de l’Ekottarâgama (Tôk. XII, 1, 70a) parallèle à Aṅguttara Nikâya, Catukka nipâta, n° 128 : âlayarâmâ bhikkhave pajâ âlayaratâ âlayasamuditâ, sâ Tathâgatena anâlaye dhamme desiyamâne sussûyati.

    En fait, l’âlaya-vijñâna était un élément nécessaire du système Yogâcâra. Système de mystique avant tout, il lui fallait opposer à l’activité du manas et de son vijñâna une forme passive qui lui fût supérieure et antérieure. S. C. Das donne sous le mot kun gźi les deux équivalents âlaya-vijñâna et ahamâspada-jnâna « la connaissance qui est le lieu du moi » (et cf. Sarvadarçanasaṃgraha, Anand. ser. p. 15 : tat syâd âlayavijñânaṃ yad bhaved ahamâspadam). L’âlaya-vijnâna est en effet la sensation la plus profonde de l’individu, non pas celle où il affirme son moi, car ici nous serions dans le domaine du manas, mais celle où son moi se pose et s’impose, en dehors de toute modalité et de tout conditionnement. C’est là le germe, bîja, que l’activité du manas entretient et féconde, et qui, sans le vouloir ni y participer, rend possible l’activité du manas en lui prêtant un noyau d’organisation qui le dégage du chaos.

    Le traducteur chinois n’a pas essayé de traduire en chinois le mot âlaya ; il se contente de le transcrire a-li-ye. Hiuan-Tsang, plus hardi, le rend dans ses traductions par tsang « dépôt, réserve ».

    L’âlaya-vijñâna est posé comme identique au dauṣṭhulya-kâya ou « bloc de turbulence » XIX, 51.