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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/105

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trompette à la sédition, de signe de ralliement aux mécontents, de prétexte à la rébellion. Il respectera les usages établis et autorisés par la nation, le gouvernement, ceux qui le composent et ceux qui le défendent[1]. » En un mot, un philosophe doit être conservateur. S’il veut le progrès, il ne réclame que le progrès possible, sans violence, sans effusion de sang, sans révolution. Et Frédéric II conclut : « Qu’ai-je donc appris par cette lecture ? Quelle vérité l’auteur m’a-t-il enseignée ? Que tous les ecclésiastiques sont des monstres à lapider, que le roi de France est un tyran barbare, ses ministres des archicoquins, ses courtisans des fripons lâches et rampants, les grands du royaume des ignorants pétris d’arrogance, les juges d’infâmes prévaricateurs, les financiers des Cartouches et des Mandrins… et qu’il n’y a de sage, de louable, de digne d’estime dans tout le royaume que l’auteur et ses amis, qui se sont revêtus du titre de philosophe. »

Même vivacité dans l’Examen critique du Système de la nature (1770). Frédéric raille la suffisance de ces écrivains qui condamnent Louis XIV du haut de leur sagesse, et ne se doutent seulement pas de la complexité des questions qu’ils résolvent en quelques phrases. « Si notre auteur avait été six mois syndic de la petite ville de Pau dans le Béarn, il apprécierait mieux les hommes qu’il n’apprendra jamais à les connaître par ses vaines spéculations[2]. » Et Frédéric II prend contre l’écrivain français la défense de Louis XIV. Il l’appelle un grand roi, et ne

  1. Discours sur les satiriques, p. 152
  2. Ibid., p.164.