Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/104

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d’idée plus extravagante que de vouloir détruire la superstition[1]. » Or à ses yeux la superstition est inséparable de la religion du peuple.

Touchant la politique proprement dite, d’Holbach n’est pas plus raisonnable, et il se rend en outre coupable d’une faute grave « en calomniant avec un acharnement violent et les traits de la plus âcre satire son roi et le gouvernement de son pays. Quoi, monsieur le philosophe, protecteur des mœurs et de la vertu, ignorez-vous qu’un bon citoyen doit respecter la forme de gouvernement sous laquelle il vit ? Ignorez-vous qu’il ne convient point à un particulier d’insulter les puissances, qu’il ne faut calomnier ni ses confrères, ni ses souverains, ni personne, et qu’un auteur qui abandonne sa plume à de tels excès n’est ni un sage ni un philosophe ?… Leur convient-il d’envenimer la conduite des grands, de s’acharner sur leurs faiblesses, de se faire une étude de leur trouver des défauts ? Est-ce à des inconnus, éloignés de toute affaire, qui voient le gros des événements sans savoir ce qui les amène, qui connaissent les actions sans en connaître les motifs, qui font le cours de leur politique dans les gazettes, à juger de ceux qui gouvernent le monde[2] ? »

Encore si ce n’était que de l’outrecuidance ; mais ces écrits satiriques sont en même temps pernicieux et révolutionnaires. Frédéric ne dit pas le mot, mais il saisit et décrit fort bien la chose. « Un philosophe n’ira pas crier que tout est mal sans dire comment tout pourrait être bien ; sa voix ne servira point de

  1. Lettre à la duchesse Louise-Dorothée, de Gotha, 1763. Œuvres, ed. Preuss, XVIII, p. 215.
  2. Discours sur les satiriques, 1759. Œuvres, IX, p. 47.