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d’hommes dont le salut leur est commis ; et que les sujets ne sont destinés qu’à être les instruments et les ministres de leurs passions déréglées… Mais les hommes ont choisi celui d’entre eux qu’ils ont cru le plus juste pour les gouverner, le meilleur pour leur servir de père, le plus humain pour compatir, etc.[1]. » Ce morceau est bien dans l’esprit du XVIIIe siècle, toujours disposé à transformer les questions d’origine en questions de logique, ce qui lui permet de les résoudre avec une facilité qui nous confond. L’idée d’une évolution naturelle et inconsciente n’a pas encore pénétré dans l’histoire : les religions sont conçues comme l’œuvre voulue des prêtres, les États comme l’œuvre voulue des peuples. « Les peuples, dit encore Frédéric II, ont trouvé nécessaire, pour leur repos et leur conservation, d’avoir des juges pour régler leurs différends, des protecteurs pour les maintenir contre leurs ennemis… ils ont choisi ceux d’entre eux qu’ils ont crus les plus sages, les plus désintéressés, les plus humains, les plus vaillants pour les gouverner[2]. »

Le consentement du peuple est donc le fondement du pouvoir royal. Mais le droit du peuple s’est épuisé, paraît-il, dans ce choix primitif, et n’a plus à s’exercer par la suite. « Notre ennemi des rois, dit Frédéric II en parlant de d’Holbach, assure que les souverains ne tiennent point leur puissance d’autorité divine. Nous ne le chicanerons point sur

  1. Œuvres, t. VIII, p. 27. — Cf. l’Essai sur les formes du gouvernement et les devoirs des souverains, 1777.
  2. Anti-Machiavel. Œuvres, t. VIII.