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magne un Auguste ou un Louis XIV. Mais, en général, il observe au sujet du roi de Prusse un silence significatif. De temps en temps, de brêves allusions trahissent son chagrin. Ainsi dans une de ses odes : « Pour le vainqueur de Sorr (Frédéric), Julien l’Apostat est un indigne modèle. Frédéric est digne de devenir chrétien. Mais, pensée pleine d’ombre ! il ne veut pas le devenir. » Une autre ode, adressée à Gleim, explique que la muse allemande était prête à chanter Frédéric. C’est lui qui s’est détourné d’elle. La postérité jugera. À toutes les victoires de la guerre de Sept ans, à toutes les glorieuses défaites, Klopstock n’oppose que le silence. Il a célébré dans ses vers tous les souverains de son temps, ou peu s’en faut : Marie-Thérèse, Joseph II, Louis XVI de France, Charles-Frédéric de Bade, Frédéric V de Danemark. Frédéric II manque à cette liste. Évidemment Klopstock a ressenti douloureusement le mépris de FrédéricII pour la littérature allemande[1]. De fait, Frédéric II n’a même pas voulu entendre parler de la Messiade : il est probable d’ailleurs qu’il se serait égayé, comme Voltaire, à ses dépens.

Par malheur, Klopstock voulut écrire quand même des poésies patriotiques. Ne pouvant célébrer le héros vivant, il se rejette sur Arminius et sur les Chérusques. Ce fut surtout après l’apparition d’Ossian, qui eut en Allemagne un succès extraordinaire, et après la publication, vers 1760, d’une mythologie Scandinave, que Klopstock se mit, avec une ardeur infatigable, à chanter les dieux et les héros de l’an-

  1. Voyez Ode 72.