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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/152

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famille. « J’ai parfaitement conscience, écrivait Lessing à la fin de sa vie, que mon goût aurait pris une tout autre direction sans l’exemple et les leçons de Diderot, — peut-être une direction plus personnelle, mais qui, à coup sûr, n’eût pas mieux convenu à mon esprit[1]. » Enfin Lessing, selon M. Erich Schmidt, doit beaucoup à Voltaire. C’est Voltaire qui attira l’attention du critique allemand sur la littérature anglaise, et qui lui fit connaître non seulement Shakespeare, mais les dramaturges anglais du temps de la restauration, Wycherley, Gongreve et Farquhar. C’est lui encore qui, par son exemple, enseigna à Lessing ce style incisif, précis, si ferme à la fois et si simple, que Mme de Staël a pu dire : « Sa manière de voir est allemande, sa manière de s’exprimer, européenne[2]. »

Ainsi préparé, Lessing allait donner à la littérature allemande moderne ses premiers chefs-d’œuvre. En 1760, par une résolution subite bien conforme à son caractère, il disparaît du cercle littéraire où il fréquentait. Il est allé se mettre au service du général prussien Tauenzien, alors en résidence à Breslau. Mêlé aux vicissitudes de la guerre de Sept ans, il vit de la vie des officiers et des soldats, il partage leurs émotions et leurs fatigues, et il amasse ainsi des « documents humains ». Lessing sortit de là avec une des meilleures pièces. — des plus originales au moins, — que possède encore la scène allemande. Minna von Barnhelm a pour personnages principaux un officier prussien et une jeune noble saxonne, sa fiancée. Le cadre est formé par les événements de la

  1. Julian Schmidt, II, 178.
  2. De l’Allemage, p. 122.