Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/181

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son origine et dans son essence. Il a tiré des conséquences inattendues de la grande maxime de Rousseau, qui avait été accueillie en Allemagne avec tant de faveur. « Revenons à la nature, source de toute bonté et de toute vérité. » S’il en est ainsi, et si chaque peuple a comme les individus un caractère qui lui est propre, tout ce qui sortira spontanément de son génie, tout ce qui en sera la floraison naturelle ne saurait manquer d’être bon ; tout ce qui provient de l’imitation réfléchie n’échappe pas à la médiocrité, et, à vrai dire, ne compte pas. Faute de comprendre cette vérité si simple, la littérature allemande restera une collection de pastiches plus ou moins ingénieux, qui, n’étant point sortis des entrailles de la nation, ne seront pas adoptés par elle, et périront avec la mode qui les aura fait naître. Herder aurait volontiers résumé sa pensée en ces termes : « La littérature allemande sera nationale, ou elle ne sera pas. »

Par un retour inévitable sur le passé, Herder se demande quelles causes ont arrêté le libre épanouissement du génie germanique. Il en arrive insensiblement à déplorer les funestes effets de la Renaissance en Allemagne. « Depuis ce temps-là, dit-il, nous avons tout reçu de la main des Latins, mais aussi ils nous ont pris tout ce que nous avions[1]. » Selon lui, l’Allemagne a perdu au change. Il eût mieux valu pour elle, au risque de marcher plus lentement, suivre la voie que son propre génie lui aurait tracée. Elle aurait échappé ainsi aux influences extérieures, à l’influence française

  1. Herder, Ueber die neueste Litteratur (1767). Œuvres, I, p. 366 sqq.