Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/180

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et anglais[1] ? Quand prendrons-nous la place qui revient à notre peuple ? Il n’y a qu’un coup de sonde à donner dans le sol allemand, et la poésie nationale en jaillira. » Déjà les Chants de guerre d’un grenadier prussien, de Gleim, ont ravi Herder. Il avait trop de goût pour ne pas estimer Gleim à sa juste valeur. Mais c’est un premier essai qu’il veut encourager. Le patriote se substitue ici au critique, et son indulgence prend le ton de l’enthousiasme. Il avoue sans détour sa partialité pour un écrivain allemand qui n’imite pas[2]. Évidemment, il continue l’œuvre de Lessing. Il veut déblayer le terrain, il veut le débarrasser de la végétation parasite qui l’encombre et empêche le bon grain de lever. Il juge malheureuse l’idée de fonder de toutes pièces un théâtre classique allemand sur le modèle du théâtre classique français ; car ce qui convient à des Français ne convient précisément pas à des Allemands. Si l’Allemagne doit avoir un théâtre, elle le produira d’elle-même. Et, comme Lessing, Herder estime que Gottsched a fait plus de mal que de bien à la littérature allemande[3].

Si Herder s’était borné, comme tant d’autres, à protester contre l’imitation servile des modèles français ou anglais, s’il avait pris simplement la défense du génie national méconnu par les Allemands eux-mêmes, sa critique n’aurait rien eu de bien original. Elle a été féconde, au contraire, parce que Herder ne s’en est pas tenu là. Il est remonté jusqu’au principe de toute poésie, il l’a étudiée dans

  1. Herder, Œuvres, I, p. 217.
  2. Ibid., I, p. 336-337.
  3. Ibid., II, p. 40.