cent ans d’épreuves trempée pour l’unité. Au milieu de ses misères le sentiment national était né et avait grandi. Jeanne d’Arc avait paru, rayonnante de foi, de patriotisme et de courage : le peuple avait pris d’elle à ne plus séparer son pays et son roi. Ce roi de France que l’on avait vu pauvre, fugitif, chassé de sa capitale, allait devenir en moins d’un demi-siècle le prince le plus puissant de sa chrétienté. La guerre de Trente ans, au contraire, loin d’unir les Allemands dans un effort commun de résistance contre l’étranger, avait achevé l’œuvre de division commencée par la Réforme et poursuivie par la contre-Réforme. Religieuse plutôt encore que politique, elle était vite devenue une mêlée européenne. L’Allemand protestant avait applaudi aux victoires des Suédois et des Français ; l’Allemand catholique n’avait pas réprouvé les excès commis par les Espagnols et les Croates. L’idée de la patrie commune avait été étouffée sous les haines religieuses déchaînées.
Ainsi l’affaiblissement, — on pourrait presque dire la disparition, — du sentiment national n’était pas dû seulement aux circonstances politiques. Cet état politique n’avait (jue la valeur d’un symptôme : les causes réelles étaient plus profondes. C’était la Réforme d’abord, qui avait rompu l’unité morale de l’Allemagne : c’étaient surtout les guerres issues de la Réforme qui avaient appauvri, déprimé, presque décivilisé le pays. La décadence avait été rapide, continue, effroyable. Non seulement en beaucoup d’endroits la population était tombée au quart, au sixième, au dixième même de ce qu’elle