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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/211

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un jour singulier sur l’histoire d’une nation. Les faits vont témoigner devant nous dans le même sens. Précisément, les années qui précédèrent la Révolution française virent se produire des événements importants, qui sollicitèrent vivement l’opinion publique, et la mirent en demeure de se prononcer. Il apparut alors que l’Allemagne, quelques progrès qu’elle eût faits d’ailleurs, était encore loin d’entreprendre et même de désirer une transformation politique.

Joseph II, au début de son règne, s’était proposé de rendre quelque vigueur à l’Empire. Il voulait en raffermir l’autorité et en rajeunir les institutions ; il s’efforça surtout de réformer les tribunaux d’Empire, dont la lenteur et la vénalité étaient proverbiales. L’opinion accueillit d’abord ces projets avec faveur ; mais pour les mener à bien, il eût fallu de la dextérité, de la souplesse et du temps. Joseph II était plutôt capricieux et impatient. Ses bonnes intentions ne l’empêchaient pas d’avoir la main lourde, et son libéralisme était autoritaire. Il se heurta bientôt à une mauvaise volonté que le roi de Prusse entretenait sous main, quand il ne l’excitait pas. Joseph II comprit vite qu’il ne triompherait pas de la force d’inertie qui paralysait l’Empire. La Prusse en particulier ne pouvait se prêter au rajeunissement des institutions impériales que dans un seul cas : il aurait fallu que l’empereur fût aussi le roi de Prusse. Mais tant que l’empereur était en même temps le chef de la maison d’Autriche, l’intérêt de la Prusse voulait évidemment que le pouvoir de l’empereur demeurât ce qu’il était, c’est-à-dire nul.

Dans cette lutte, outre son prestige personnel et