Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/212

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la supériorité de son génie, Frédéric II avait l’avantage de la position. Les projets de Joseph II offraient à la Prusse une occasion excellente de se rapprocher des états catholiques de l’Allemagne du sud, auxquels cette puissance protestante et conquérante inspirait à la fois défiance et aversion. Frédéric II sut profiter des circonstances. Comme il l’avait déjà fait en 1744, mais avec plus de vraisemblance cette fois, il se posa en défenseur de l’intérêt commun et en protecteur désintéressé de la « liberté allemande ». La liberté allemande n’était rien moins que la liberté des Allemands. Dans la langue politique du temps, cette locution désigne l’état de l’Allemagne fixé par les traités de Westphalie : l’empereur réduit à l’impuissance et sa souveraineté devenue nominale ; le droit, pour les princes qui relèvent seulement de l’Empire, de négocier séparément avec les puissances étrangères, de conclure des alliances ou de faire la guerre comme bon leur semble, de lever des impôts et de recevoir des subsides sans rendre de comptes à personne : en un mot, tous les abus du particularisme, et la cause principale de la misère politique de l’Allemagne. « Quand Dieu veut châtier un peuple, disait K. Fr. von Moser[1], il n’a qu’à lui faire don de la liberté allemande. »

La persévérance n’était pas la qualité maîtresse de Joseph II. Découragé par le mauvais succès de ses efforts pour réformer l’Empire, il renonça à ses projets. Aussitôt son inquiétude naturelle lui en suggéra d’autres. Pour suivre de plus près l’exemple

  1. Cité par Julian Schmidt, I, II.