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de la puissance autrichienne en Allemagne. Il songea même un instant à exploiter cette ligue dans l’intérêt particulier de la Prusse. Il proposa des conventions militaires à des États voisins, en particulier à la Hesse-Cassel et au Brunswick. Leurs troupes auraient été incorporées à l’armée prussienne. Les deux princes déclinèrent cette invitation : le duc de Brunswick désirant, dit-il, éviter tout ce qui pourrait donner à la ligue l’apparence de n’être qu’un instrument de la Prusse[1]. L’année suivante, Frédéric II mourut, et l’affaire en resta là.

Ce curieux épisode de l’histoire d’Allemagne montre bien pourquoi le « Saint-Empire romain germanique », à la fin du XVIIIe siècle, ne pouvait être ni restauré ni renversé. Cet édifice bizarre, vermoulu, et, comme les Allemands le disent eux-mêmes, monstrueux, ne devait s’écrouler que sous un choc venu du dehors. Il fallut la Révolution pour lui imprimer la secousse, et Napoléon pour le jeter par terre. La nation était indifférente. Les princes avaient intérêt à ce qu’il restât précisément ce qu’il était. La fiction d’une souveraineté impériale tenait la place d’une réalité dont ils ne voulaient pas. C’est ainsi que la Prusse et les princes allemands, même ceux qui se défiaient le plus de Frédéric, s’unirent dans une même pensée contre les anbitions de Joseph II. Mais les publicistes désintéressés qui en défendant la ligue avaient cru combattre, non pour l’intérêt particulier des princes, mais pour l’intérêt général de l’Allemagne, se sentirent cruel-

  1. Klüpfel, p. 275.