Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lement déçus. Ils se plaignirent d’avoir été dupés. Le plus célèbre d’entre eux, l’historien Jean Müller, avait fait briller aux yeux de ses lecteurs les plus hautes espérances. En voyant se former une ligue où entraient, avec la Prusse, la Saxe, le Hanovre, le duc de Saxe-Weimar, le duc de Saxe-Gotha, l’électeur palatin de Deux-Ponts, l’électeur de Mayence, le duc de Brunswick, le margrave de Bade, le landgrave de Hesse-Cassel, les trois princes d’Anhalt, l’évêque d’Osnabrück, — j’en passe, et non des moindres, — Jean Müller avait cru assister à une renaissance politique de l’Allemagne. Un grand mouvement national commençait ; l’amour de la patrie commune allait triompher des arrière-pensées particularistes. Les Allemands allaient enfin pouvoir dire, eux aussi : « Nous sommes une nation ! » Plein de cette belle espérance, Müller avait soutenu la Ligue des princes de son éloquence et de son autorité. Hélas ! il fallut bientôt en rabattre. Le but atteint, et la succession de Bavière réglée, la Ligue des princes retomba dans le néant, et le public la vit disparaître avec une parfaite indifférence. Müller exhala l’amertume de sa déconvenue dans une dernière brochure intitulée : Ce que l’Allemagne attendait de la Ligue des princes. « Si le but de cette ligue, dit-il, était simplement de maintenir le statu quo en Allemagne, quoi de plus décevant et de plus dépourvu d’intérêt ?… Sans lois ni justice, sans garantie contre des charges arbitrairement imposées, proie livrée sans défense au plus fort,… sans union, sans esprit national,… végéter au jour le jour, aussi bien qu’on le peut sous un tel régime, voilà le statu quo de notre