Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/49

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ques. D’autres, qui avaient surtout des besoins d’esprit, qui avaient soif de vérité et de science libre, allèrent de préférence à la philosophie. Non pas à la philosophie traditionnelle, qui dominait encore presque partout en Allemagne, et qu’avait instituée Melanchthon, prœceptor communis Germcmiæ. Cette scolastique imprégnée de théologie enseignait que tout homme qui n’admettait point les formules luthériennes serait damné. Peu à peu, à mesure que le XVIIe siècle approche de sa fin, le désir et l’idée d’une philosophie nouvelle, fondée sur la raison, et ne relevant que d’elle-même, se précise dans les esprits[1]. On lit, on traduit, on commente Descartes, Bayle et les libres penseurs anglais. En l’espace de vingt ans, de 1690 à 1710, un changement considérable se produit, plus facile, il est vrai, à signaler dans ses résultats qu’à suivre dans sa marche.

Deux noms remplissent cette période, deux noms d’un éclat extraordinairement inégal, Leibniz et Thomasius[2]. Le premier a sa place dans l’histoire de la pensée humaine : l’autre n’est plus connu que des seuls érudits. Leibniz compte parmi les esprits les plus puissants et les plus féconds qui aient existé. Thomasius est médiocre à plaisir. Et néanmoins, autant Leibniz a été malheureux dans ses efforts pour soulager les maux de l’Allemagne qu’il voyait si nettement, autant Thomasius a su agir efficacement dans le cercle, assez restreint il est vrai, où son esprit lui permettait de se mouvoir, Il s’y prend tout autrement que Leibniz. Il ne songe

  1. Biedermann, II, 1, 400.
  2. Voyez E. Grucker Histoire des doctrines littéraires et esthétiques en Allemagne, Paris, 1883.