Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/48

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droit de s’opposer à l’installation d’un pasteur qui leur déplaisait. Spener voyait bien que c’était un mal. Il eût sans doute préféré une organisation presbytérienne ou synodale, comme chez les calvinistes. Mais il n’eut pas le courage d’agir ; peut-être vit-il clairement qu’il ne réussirait point. En fait, il n’essaya rien. Il n’osa même pas fonder de congrégations indépendantes, craignant toujours de prêter le flanc aux attaques des orthodoxes et à l’intervention du pouvoir séculier.

Ainsi le piétisme, dans son ensemble, demeure mal défini. Avec le désir du mieux et le sentiment d’une réforme nécessaire, il trahit de la timidité, de l’irrésolution, un manque d’audace dans l’idée et dans l’action. Bientôt il se décolore : il perd la rigueur morale qui faisait son principal mérite ; il devient intolérant et hypocrite, et, dans cette même ville de Halle où il avait trouvé un refuge, il va se montrer à son tour persécuteur. Mais cette prompte dégénérescence, inévitable peut-être dans l’état où se trouvait alors l’Allemagne, ne doit pas faire oublier que le piétisme a été, dans son origine, un effort moral, et un des premiers tressaillements, indices de la vie renaissante dans un grand corps engourdi et immobile.

II

Le piétisme gagna surtout les âmes tendres, qui avaient des besoins de cœur, et qui souffraient de la dureté et de la sécheresse des formules théologi-