Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/51

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ment pacifique, et ne désespère jamais d’interpréter en un bon sens la pensée d’autrui. Thomasius attaque de front, et ne craint ni la discussion, ni la lutte. Il n’aperçoit pas, comme Leibniz, les différents aspects des choses. Il n’en voit qu’un et il s’y tient.

Thomasius était, comme l’auteur de la Théodicée, le fils d’un professeur à l’université de Leipzig. Devenu lui-même professeur dans sa ville natale, il annonce tout à coup une chose extraordinaire, inouïe : il va ouvrir un cours en allemand ! L’Université en fut bouleversée. Thomasius alléguait l’exemple des Français qui écrivent en leur langue, et qui traduisent les bons ouvrages de l’étranger. Pourquoi les Allemands ne suivraient-ils pas cet exemple ? Autre coup de théâtre : le seul journal qui parût alors en Allemagne était les Acta eruditorum de Leipsig, revue orthodoxe, sévère, exclusive, rédigée en latin et inaccessible aux profanes. Thomasius fonde une revue en allemand[1], ni trop sérieuse ni trop ennuyeuse pour le temps, vivante au contraire et satirique. Thomasius attaque d’abord les péchés mignons des théologiens, l’hypocrisie et le pédantisme. Il passe ensuite en revue les vices propres à chaque faculté (médecine, droit, philosophie). Il s’en prend enfin à la platitude des fonctionnaires, à la malhonnêteté des marchands, à la grossièreté des étudiants. Chaque profession a son tour, et reçoit son compte. Le style est mauvais, les plaisanteries épaisses ; qu’importe, si le but est atteint ?

  1. Les Entretiens mensuels. Voy. Biedermann, II, 1, 360.