Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/65

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mauvaises mœurs[1]. Ils ne font absolument que ce qu’ils veulent, et, excepté pour les crimes et délits de droit commun, aucun châtiment ne les atteint. Ils passent le temps à s’enivrer (le vice national des Allemands, disait Leibniz), à faire des dettes, à se battre, à rouler d’excès en excès, et à se faire mettre en prison. Quand on leur reproche leur conduite, ils répondent : « Il faut bien faire comme les autres. » Le mal est si profond que le Patriote, généralement optimiste, ne paraît pas espérer un prompt changement. « S’il se trouve ici ou là, dit-il, un homme consciencieux, qui prenne au sérieux son devoir, on le tourne en ridicule ou on le calomnie. » Les professeurs, en effet, valaient les étudiants. Leur platitude devant les puissances est extrême, leur étroitesse d’esprit n’est pas moindre. Ils sont forcément les complices de la paresse et des vices de leurs élèves, car ils en vivent. S’ils s’avisaient de ne plus fermer les yeux et de montrer quelque dignité, les étudiants, assurés de trouver ailleurs plus de complaisance, quitteraient leurs cours, et le pauvre professeur mourrait de faim. De plus, si les étudiants abandonnent l’université, c’est la disgrâce et parfois les mauvais traitements pour les professeurs : car les gouvernements ne tiennent aux universités que pour les revenus qu’elles apportent à l’octroi des villes. Si les étudiants s’en vont, les recettes de l’octroi baissent d’autant, et le gouvernement laisse sentir sa mauvaise humeur au corps académique. La situation d’un professeur n’était donc guère enviable, et naturellement les universités s’en ressentaient.

  1. LXVII, p. 131-8.