Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/69

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Hanovre avait succédé à la reine Anne. Georges Ier était fort attaché à son électorat. Il y venait le plus souvent qu’il pouvait ; il s’y sentait pour ainsi dire mieux chez lui que dans son royaume. Hambourg profita de cette circonstance. C’est par elle que les idées anglaises se frayèrent une voie en Allemagne. La première loge franc-maçonnique allemande fut fondée à Hambourg en 1733, et l’on sait les rapports de la libre pensée anglaise avec la franc-maçonnerie. Il est donc tout naturel que les premiers signes d’un réveil littéraire et moral s’y soient aussi manifestés. Hambourg d’ailleurs ne fut pas le seul punctum saliens de ce genre. D’autres grandes villes riches et commerçantes voyaient aussi se reformer une classe moyenne capable d’indépendance, curieuse des idées nouvelles, et avide de progrès.

L’impulsion ne venait pas d’en haut. Il n’y avait point de capitale qui fût en Allemagne ce que Paris était depuis longtemps en France, à la fois le cœur et le cerveau de la nation. Imaginez plutôt un réveil local, qui a lieu simultanément en plusieurs points, fort éloignés les uns des autres, semblables à ces cœurs multiples et rudimentaires que l’on voit battre dans certains organismes inférieurs. C’est là le caractère original, et peut-être unique, que présente la reconstitution morale de l’Allemagne au commencement du XVIIIe siècle. Aucune pensée consciente n’y préside. Les ouvriers ignorent l’œuvre ; elle s’accomplit en vertu d’une sorte de finalité interne, comme croissent les corps vivants. Ni le Patriote de Hambourg, ni aucun de ses innombrables collaborateurs ne se doutaient qu’ils réussissaient là où Leibniz avait échoué, et que