Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/74

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temps les Académies de Paris et de Saint-Pétersbourg nommèrent Wolff membre d’honneur : Pierre le Grand[1] essaya même de l’attirer en Russie, et lui offrit la vice-présidence de son académie. Wolff déclina cet honneur. Il ne se souciait pas de s’exposer encore à une expulsion brutale : mais il envoya en Russie quelques-uns de ses élèves. On l’appela aussi en Suède. Ses ouvrages étaient traduits dans plusieurs langues vivantes, ce qui n’était guère arrivé depuis longtemps aux écrivains allemands.

Wolff était bien un peu grisé par tant de gloire. Ses mémoires laissent percer une satisfaction naïve : « À la cour de Vienne, dit-il, on avait pour moi la plus haute considération, et en Italie on jugeait que, M. de Leibniz mort, seul je pouvais soutenir la réputation des Allemands.[2] » Il rapporte avec complaisance les compliments que lui adressent Réaumur et le cardinal de Fleury. Toutefois il ne se trouvait pas parfaitement heureux à Marbourg. Retourner à Halle était son désir secret, et plus encore peut-être celui de Mme Wolff. Il est vrai que son ami, le comte de Manteuffel l’en dissuade[3] : « Vous quitteriez un établissement tranquille et sûr, où tout le monde vous rend justice, pour revenir dans un pays où l’on n’aime les savants qu’en tant qu’ils peuvent servir à augmenter les revenus de l’accise, où l’on agit souvent, comme vous ne l’ignorez pas, par boutades et par des voies

  1. Wolff’s Briefe aus den Jahren 1719-1753. Ein Beitrag zur Geschichte der K. Academie der Wissenschaften zu Saint-Petersburg. Saint-Petersbourg, 1860.
  2. Mémoires de Wolff, publiés par Wuttke, p. 174.
  3. Lettre citée par Wuttke, p. 40-42