Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE V

LES SORCIERS

Les sorciers causent la maladie et la mort.

Dans un grand nombre de sociétés primitives, en présence d’une maladie grave ou d’une mort, la mauvaise influence à laquelle on pense tout de suite, si ce n’est pas la colère d’un ancêtre, est à coup sûr l’action d’un sorcier. Aux yeux des Australiens, par exemple, la mort n’était jamais « naturelle ». Mais la maladie grave ne l’était pas non plus. Comment aurait-elle pu l’être ? Il aurait fallu qu’ils eussent une idée, plus ou moins rudimentaire, mais enfin quelque idée des fonctions de l’organisme et de ce qui peut les interrompre ou les troubler. Or ils n’en avaient aucune. La maladie, comme la mort, ne pouvait donc être que l’effet d’une cause « surnaturelle », c’est-à-dire d’un ensorcellement. « Les Bassoutos emploient un même mot pour exprimer la maladie et la mort… Pour dire qu’ils ont mal à la tête, par exemple, ils disent qu’ils sont « mangés par la tête ». De même pour les autres souffrances on est « mangé par une dent, mangé par les intestins, mangé par les oreilles », expressions caractéristiques qui impliquent que la douleur du corps donne l’impression qu’on est rongé par quelque chose de malfaisant, et dont on a hâte d’être débarrassé[1]. »

(S. N., page 168.)
  1. H. Dieterlen, La médecine et les médecins au Lessouto, p. 14 (1930).