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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/158

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des « influences », selon l’expression de M. Seligman, du sang qu’il a versé, on peut dire aussi bien que ce sang l’a rendu « impur ». Dès lors, les précautions qu’il prend s’expliquent : elles le défendent lui-même contre les effets de la mauvaise influence, et elles protègent les autres contre la contagion de sa souillure. C’est là une des causes, peut-être la principale, de son isolement pendant un mois. C’est aussi pour cette raison qu’il ne prend pas de bétel dans la boîte d’un autre : celui-ci serait contaminé. — À l’île Kiwai, M. Landtman a fait une observation semblable à celle de M. Seligman. « Les indigènes disent qu’un guerrier, après une bataille, n’a jamais peur de l’esprit d’un ennemi qu’il a tué. Certains rites, cependant, semblent bien répondre au désir d’échapper aux influences funestes qui peuvent poursuivre un homme que le sang a souillé dans le combat[1]. » Il n’a rien, semble-t-il, à craindre du mort. Mais le sang versé l’a rendu impur la souillure est sur lui, dangereuse pour lui-même et pour les siens, et les rites ont pour objet de purifier l’homme.

(S. N., page 345.)

Impureté causée par la foudre.

Dans de nombreuses sociétés, la foudre rend « impur » ce qu’elle touche. À l’île Kiwai, « les gens évitent un arbre qui a été frappé par la foudre, et n’osent pas s’en servir pour faire du feu car, une fois allumé, il attirera sûrement l’orage. Il est dangereux d’apporter de ce bois dans la maison, car l’odeur, ou la « fumée » de la foudre cause des maladies. Personne ne voudrait tirer parti d’un palmier sago que la foudre a endommagé, ni manger le fruit d’un arbre quelconque qui a été blessé de cette façon. » Ce que craignent ces Papous, dans la « souillure », qui adhère mystiquement et physiquement à la fois à ce que la foudre a une fois touché, c’est la menace de malheur.

(S. N., pages 292-293.)
  1. G. Landtman, The Kiwai Papuans, pp. 160-161.