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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/185

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Récité à haute voix, représenté sous forme dramatique ou plastique, le mythe assure la présence réelle de l’ancêtre, et du même coup son action efficace. Grâce à elle, ce qu’il a accompli dans la période mythique va se réaliser de nouveau aujourd’hui. Si la tradition est strictement respectée, si la cérémonie est célébrée sans négliger aucun des rites indispensables, on peut compter que les kangourous apparaîtront nombreux, et qu’ils parviendront à une belle taille. En leur proposant, pour ainsi dire, l’exemple de ce qui s’est passé à l’époque mythique, on obtient qu’ils se conforment à ce modèle, et que la génération actuelle de ces animaux ne reste pas au-dessous des précédentes. Bref, chez les indigènes acteurs et spectateurs de ces cérémonies, il se forme habituellement un complexe où entrent un grand nombre d’éléments dont ils ont la conscience plus ou moins claire : croyance au caractère surnaturel et sacré du mythe et des êtres dont il révèle les hauts faits et les « créations » ; confiance en sa puissance, lorsqu’on le récite ou qu’on le traduit sous forme dramatique ou plastique, et en celle de ces êtres, quand on les évoque et qu’on obtient leur présence réelle ; sentiment intense de participation et de communion avec les ancêtres ainsi « représentés » au sens fort du mot ; foi en l’efficacité de l’action magique exercée par un modèle, etc. Or, il n’est pas un de ces éléments où les mythes, plus ou moins directement, ne soient impliqués. Quelle meilleure preuve de l’importance de leur fonction dans la vie, secrète ou publique, de ces primitifs ?

(My. P., pages 159-160.)

La présence des ancêtres, à certains moments, est trop nécessaire, leur concours trop indispensable, pour que l’on se contente de la simple récitation des mythes. On dispose encore d’autres moyens de se les assurer. Il ne suffit pas, par exemple, à l’Arunta d’exposer à haute voix ou de chanter les exploits de ces ancêtres et héros mythiques. Il lui faut obtenir leur présence immédiate et réelle. Il les évoquera donc en personne. C’est à quoi servent un certain nombre de fêtes et de cérémonies, véritables représentations dramatiques. N’imaginons pas cependant que l’indigène y apporte les mêmes dispositions que nous au théâtre. Il ne s’y rend pas