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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/187

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mythiques) parcouraient la contrée avec leurs novices, et célébraient certaines cérémonies, aussi bien à leurs « emplacements éternels » (c’est-à-dire à leurs centres locaux totémiques), qu’en cours de route, pendant leurs voyages. Elles avaient pour but d’initier les novices aux usages religieux, et en même temps de faire croître et se reproduire l’animal ou la plante totémique de l’altjirangamitjina. Chaque ancêtre mythique n’était en liaison qu’avec un être naturel déterminé, et n’avait le pouvoir de produire et de fortifier que celui-là. Aujourd’hui encore, les Aranda et les Loritja célèbrent régulièrement de semblables cérémonies. Mais, dans la période mythique, une seule suffisait à atteindre les deux buts à la fois. Actuellement on célèbre à part les cérémonies d’initiation, et les autres[1]. »

(My. P., pages 119-123.)

Modèles et précédents mythiques.

Dans ces sociétés primitives, la vertu de l’ « imitation » ne se manifeste pas seulement à l’occasion de fins volontairement poursuivies. Même en dehors de tout intérêt humain, les événements de notre monde actuel, les caractères physiques et moraux des êtres qui y vivent, et de ceux aussi que nous appelons inanimés, comme les pierres, les rochers, les fleuves, la mer, etc., leurs tendances, leurs « dispositions », leurs modes habituels d’activité, bref tout ce qui constitue l’expérience quotidienne, doit d’être ce qu’il est à sa participation avec les événements et les êtres de la période mythique.

Cette participation se réalise par l’imitation. Elle s’exprime, elle se traduit par la ressemblance. Celle-ci devient ainsi, pour cette mentalité, une sorte de schème général qu’elle applique à la genèse des êtres et des objets qui l’entourent. Comme elle ne réfléchit pas sur ses propres opérations, et encore moins, s’il est possible, sur leurs conditions, elle est simplement persuadée, à tout moment, que si les êtres, les choses, les faits sont tels qu’ils lui apparaissent, c’est qu’il y a eu, dans la période mythique, des

  1. C. Strehlow, Die Aranda- und Loritja-Stämme in Zentral-Australien, III, p. 1.