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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/47

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pour former un nouveau nombre mystique, on ajoute l’unité à un nombre mystique donné, 3 + 1, 6 + 1, 9 + 1, etc. « Ceci a le plus souvent pour objet d’introduire, dans un système quelconque de division de l’univers, la notion d’un monde invisible, ou dans un groupe quelconque de personnages ou d’objets la notion d’un personnage ou d’un objet de même espèce, mais distingué des autres par une sorte de mystère dont il reste enveloppé[1]. » Par exemple, le nombre sept a peut-être une valeur mythologique indépendante. Mais il est certain que les Rishis l’ont tout au moins décomposé en 6 + 1 (addition de l’unité au nombre de six mondes). Ces nombres mythologiques tiennent leur vertu de leurs rapports mystiques avec les régions de l’espace : par exemple, la division septénaire de l’univers (sept mondes, c’est-à-dire six plus un) coïncide avec les heptades mythologiques (sept places, sept races, sept fonds de l’océan, sept rivières, etc.).

(F. M., pages 253-254.)

Symbole et réalité.

Mettre un masque, ce n’est pas, comme pour nous, un simple déguisement sous lequel l’individu reste ce qu’il est. C’est subir une transformation réelle. Le masque est pour la tête ce que la peau est pour le reste du corps. L’homme qui se pose sur la tête un masque figurant un oiseau se métamorphose, au moins partiellement, en cet oiseau, comme celui qui s’enveloppe de la peau d’un ours ou d’un loup devient ipso facto ours ou loup. On se rappelle les hommes-panthères et les hommes-léopards de l’Afrique occidentale.

Quand ils ont revêtu la peau de l’animal, dans les conditions magiques nécessaires, ils se sentent réellement devenus panthères et léopards : ils en possèdent la force et la férocité. S’ils manquent leur coup et si leur victime, en se défendant, leur arrache cette peau, instantanément ils ne sont plus que des hommes, très effrayés, et on en a facilement raison.

Dans l’Afrique noire, on trouve souvent exprimée l’idée que la peau et le corps sont la même chose. « Kpwoto : corps,

  1. Bergaigne, La Religion védique, II, p. 123 sqq.