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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/49

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ils y déploient une ingéniosité, que le désir de rendre les objets plus agréables à voir ne suffit pas à expliquer. Sans aucun doute, ils obéissent à autre chose encore qu’au besoin de satisfaire leur goût artistique. Dans la plupart des cas, ils veulent ainsi rapprocher les objets de leur prototype mythique, c’est-à-dire du Dema dont ils sont issus, et qui avait aussi la forme humaine. Ce que nous prenons pour un ornement est donc surtout un rappel de cette forme, destiné à exprimer et à renforcer la participation entre l’objet et le Dema. Une partie du corps, comme on vient de le voir, symbolise le corps entier.

Aussi bien que les animaux et les plantes, dit M. Wirz, les instruments, les meubles, les armes proviennent d’ancêtres (Dema), c’est-à-dire ont été jadis (dans la période mythique) des êtres vivants : c’est pourquoi la forme humaine ou des traits du visage de l’homme sont encore reconnaissables chez eux. « Par suite, il n’y a guère d’instrument, d’arme, etc., que l’indigène ne pourvoie artistement d’ornements en forme d’yeux ou de nez, ou même de figures humaines entières, ou bien où il ne sache discerner ces figures, en totalité ou en partie.

« On donne aux canots la forme humaine, comme il est expressément dit dans le mythe de la découverte des canots. On pourvoit, à peu près toujours, les rames de certains ornements — lignes spirales — qui sont des yeux ; de même pour certaines flèches, pour des massues, des corbeilles, et autres objets tressés, pour des spatules à bétel, et pour des tambours. En outre, chez ceux-ci on discerne la bouche (orifice du tambour), et les dents (ce sont des gouttes de résine sur sa peau). Sans elles, il ne serait pas ce qu’il doit être : un instrument capable de résonner juste[1]. »

(My. P., page 103.)

L’art des primitifs.

Tout habitués que nous soyons nous-mêmes à la représentation de sphinx, de chimères, de centaures, de griffons, de sirènes, et d’autres êtres fantastiques, l’art des primitifs,

  1. P. Wirz, Die Marind-anim von holländisch Süd-Neu-Guinea, III, p. 104.