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niciens admettent à partir de Jamblique, c’est-à-dire le Bien, puis la triade Être, Vie, Intelligence, allant ainsi de l’abstrait au concret ; et il explique exactement comme Proclus, comment, bien que l’Être soit supérieur à l’Intelligence, les êtres intelligents sont supérieurs aux êtres purs[1].

C’est encore pour des raisons semblables à celles de Proclus, raisons qui remontent finalement au Parménide, qu’il admet le principe suivant essentiel dans sa théologie : bien que l’effet soit semblable à la cause, la cause n’est pas pour autant semblable à l’effet. Et pourtant on trouve des traits qui distinguent profondément sa doctrine de celle de Proclus. En premier lieu, l’ordre des noms divins ou hypostases ne représente nullement en Dieu un ordre de génération, comme si sa Vie procédait de son Être, et son Intelligence de sa Vie ; tout est identique en Dieu ; aussi Denys ne fait-il aucune tentative pour donner les raisons de cet ordre. De plus, et c’est là une conséquence, Dieu comme Trinité, comme Père, Fils et Esprit, dont il parle dans les Esquisses, est au-dessus des noms divins. Enfin, du côté des choses, Denys a renoncé à toute déduction véritable : les trois triades d’anges de la Hiérarchie ne sont pas liées l’une à l’autre par des considérations rationnelles, pas plus que le terme d’une triade n’est lié aux deux autres ; ce sont les cadres numériques du néoplatonisme sans le contenu.

Il faudrait se garder, malgré l’apparence, d’attribuer ces modifications importantes à l’influence de l’orthodoxie chrétienne, qui repousse effectivement la procession nécessaire des formes de la réalité les unes des autres. La vérité, c’est que le néoplatonisme chez Denys évolue exactement comme chez son contemporain Damascius : celui-ci, on l’a vu, déclare nettement que la procession des hypostases et la hiérarchie du supérieur à l’inférieur ne sont que des manières de parler bien inadéquates, quand il s’agit des premiers principes. Comme Denys aussi, il renonce à la déduction rationnelle pour faire appel à la tradition des Oracles chaldéens, lorsqu’il s’agit de déterminer la succession des formes de la réalité. Enfin la théologie négative de Denys est plus proche de celle de Damascius que de celle de Proclus ; au lieu d’accumuler les négations sur le premier terme de la série, le Bien ou l’Un, ils définissent l’un et l’autre un

  1. Édition Migne, 818 a.