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l’affirmation « E1 n’est pas simultané avec E2 » que l’affirmation « Le Havre est à gauche de Paris ne contredit l’affirmation Le Havre est à droite de Paris ». Tout dépend du point de vue d’où l’on porte le jugement. Si l’on précise ce point, tout arbitraire disparaît. Que l’on dise, par exemple, « pour tel système E1 est simultané avec E2 » et l’on ne pourra plus retourner cette affirmation. Le problème se réduit donc à la question de savoir si « simultané » est un concept relatif. Mais ce ne sont pas des déductions de logique seules qui peuvent permettre de le résoudre logiquement. Les deux concepts sont acceptables, aucun d’eux ne conduit, si on l’admet, à une contradiction avec lui-même.

L’objection se présente sous une forme un peu plus compliquée si l’on raisonne comme suit. Additionner signifie ajouter un objet à un autre. Ajoutons à la vitesse c de la lumière la vitesse du système, il doit en résulter quelque chose de plus grand, et pourtant la théorie de la relativité affirme qu’on a

c + v = c

N’est-ce pas là un non sens ?

Cette équation serait, en effet, un non sens. Mais l’addition des vitesses désigne un processus physique et il est impossible de démontrer qu’elle est représentée par l’équation ci-dessus. Soit un système dans lequel la vitesse de la lumière a été mesurée et trouvée égale à c et un second système se mouvant avec la vitesse v. Quelle valeur aura la vitesse du même rayon lumineux si elle est mesurée avec des horloges et des règles qui sont transportées par le système en mouvement ? Tel est le vrai problème de l’addition des vitesses. Sa solution dépend entièrement de la façon dont se comportent les horloges et les règles. Il s’agit bien d’une addition de vitesses, mais seulement au sens symbolique, l’addition algébrique n’est qu’un cas spécial de cette addition symbolique et c’est une question de fait de rechercher par quelle opération mathématique la composition physique des vitesses peut se représenter. L’équation devrait s’écrire plutôt

c (+) v = c

le signe (+) désignant l’addition symbolique[1]. Notre cas d’addition

  1. Comparer l’équation chimique : 2 litres d’hydrogène + 1 litre oxygène = 2 litres vapeur d’eau, qui est aussi une contradiction si on interprète le signe + algébriquement.