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symbolique peut, lui aussi, se formuler mathématiquement (c’est-à-dire se ramener à des additions algébriques). C’est une transformation qui, comme on sait, a été effectuée par Einstein grâce à son théorème d’addition

u + v

1 + uv = w

c2

Cette formule est l’explicitation mathématique du signe (+) ; elle donne, comme on le voit aisément, w = c pour u = c, c’est-à-dire le résultat exigé par la physique.

On peut donc dire ici ce qu’on a dit plus haut. La contradiction n’existe que si l’on présuppose ce que la théorie de la relativité conteste justement. Si l’addition des vitesses était une addition algébrique, l’équation d’Einstein serait une contradiction, mais dans ce cas seulement. Il n’y a donc pas de raisonnement logique qui puisse contredire la simultanéité einsteinienne.

Examinons alors une autre objection : bien que le temps des relativistes ne soit pas contradictoire logiquement, il contredit pourtant une intuition immanente de la raison. Il est évident que deux événements simultanés ne peuvent pas être non simultanés. D’après cette objection, il existerait donc au-dessus de notre faculté de déduction logique une puissance particulière de la raison qui édicterait des prescriptions particulières en matière de simultanéité. Certains l’appellent avec Kant « intuition pure » ou « faculté a priori » ; d’autres parlent d’« expérience phénoménologique ». Qu’en est-il au juste ? Il faut accorder qu’il existe une sorte de besoin psychologique qui tend à imposer des prescriptions touchant la simultanéité. Si deux hommes frappent à ma fenêtre, j’entends très bien si les deux bruits sont simultanés ou non. Dans la perception même, se trouve contenu le jugement « simultané ». Bien plus, ce jugement est une fonction essentielle de toute perception, qui sans cela serait dépourvue de valeur. Il semble donc qu’il y ait une semblable « faculté a priori ».

Mais examinons d’un peu plus près ce mode de jugement. Qu’est-ce qui est réellement simultané quand nous entendons les deux bruits à la fenêtre ? Évidemment et exclusivement les arrivées des signaux sonores à mon oreille, c’est-à-dire les deux perceptions elles-mêmes.