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Les deux expériences d’optique[1] ne se contredisaient qu’en un sens, à savoir parce qu’on ne pouvait les comprendre au moyen d’une théorie unique. La découverte physique était achevée par l’exécution des expériences, la découverte logique de leur intelligibilité restait seule à faire. Il est vrai que toute théorie physique est une production intellectuelle, car elle tend exclusivement à établir un lien logique entre des faits observés. Mais dans ce cas il semblait que toutes les méthodes intellectuelles usitées jusqu’ici fussent en défaut. Lorentz avait établi sa théorie dans le cadre de ces méthodes classiques, mais sa théorie elle-même avait conduit de nouveau à un résultat inintelligible, la contraction des règles rigides. En vérité nous ne songeons pas à affirmer que la contraction de la théorie de Lorentz contredise le concept de causalité (car elle est à proprement parler une explication causale), l’inintelligibilité réside dans ce fait qu’avec la contraction toutes les actions prenant naissance dans l’éther sont toujours réglées quantitativement de telle sorte qu’on ne peut constater de mouvements relatifs à l’éther. Un effet de ce genre ne peut être considéré par la physique comme un hasard, celle-ci doit rechercher une explication qui fasse comprendre qu’il existe des faits universellement inconstatables. C’est le propre de la solution d’Einstein qu’elle rend cette inconstatabitité compréhensible grâce au principe de relativité, c’est-à-dire ici en renonçant à une structure substantielle de l’éther qui permettrait un état de repos privilégié. Ehrenfest a parfaitement compris le sens intime de la théorie d’Einstein lorsqu’il l’associe à la combinaison des trois énoncés suivants[2] :

I. — Les sources lumineuses nous projettent les signaux lumineux sous forme de configurations individuelles à travers l’espace vide.

II. — Des mesures effectives de la vitesse de la lumière donnent le même résultat, qu’il s’agisse des rayons lumineux issus d’une source qui vient à nous ou d’une autre source qui est en repos à côté de nous.

III. — Nous déclarons que la combinaison des deux affirmations qui précèdent est satisfaisante.

Mais la combinaison de ces deux affirmations ne devient juste-

  1. L’expérience de Michelson et celle de Fizeau.
  2. Zur Krise der Lichtæther-hypothese, Berlin, J. Springer