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ment compréhensible que si l’on admet la définition einsteinienne de la simultanéité. En effet la mesure de la vitesse présuppose la définition de la simultanéité et si celle-ci ne signifie pas la même chose pour des observateurs dont l’état de mouvement est différent, (II) n’est pas en contradiction avec (I), c’est-à-dire que la constance de la vitesse de la lumière (II) n’est pas en contradiction avec le principe de relativité (I) puisque (I) implique la négation d’un éther substantiel. La contradiction des expériences optiques n’était plus résoluble dans le cadre des anciennes idées et il fallait une analyse philosophique des notions d’espace et de temps pour pouvoir construire la physique de la relativité.

Le « principe de la constance de la vitesse de la lumière n’est-il pas dépourvu de sens ? Peut-on éclaircir une chose incompréhensible en l’érigeant au rang de principe ? Certainement non, et si Einstein avait fait cela, sa théorie n’aurait pas effectué une marche triomphale à travers le monde pensant. Mais c’est une erreur absolue d’objecter à la théorie de la relativité qu’elle est inintelligible. Elle est aussi intelligible que toutes les autres, elle ne contredit pas notre raison ; bien plus un examen approfondi montre qu’elle satisfait notre besoin rationnel de compréhension de l’univers bien mieux que ne fait l’ancienne physique. La contradiction des deux expériences d’optique repose en vérité, et ceci a été la première découverte d’Einstein, sur une hypothèse déterminée que nous avons toujours faite implicitement et qui pourtant n’était qu’une limitation de notre pensée, un préjugé. Analysons d’un peu plus près la marche des idées que nous avons suivies. : Pourquoi nous semble-t-il incompréhensible que la lumière puisse avoir la même vitesse dans deux systèmes dont l’état de mouvement est différent ? La réponse est loin d’être immédiate et tous ceux qui ne cessent d’affirmer que ce fait est incompréhensible devraient essayer d’abord de fonder logiquement leur affirmation. Pour trouver la réponse, il nous faut formuler le problème d’une façon un peu plus concrète. Supposons qu’il parte du point A au temps t un signal lumineux ; il se propage en tous sens et l’on parle alors d’« ondes sphériques » dont le centre est en A. Admettons qu’au temps t un point mobile A' se trouve justement voisin de A. Aux époques suivantes, il se sera alors éloigné du centre des ondes sphériques. La propagation de la lumière ne se fera donc pas pour lui sous forme d’ondes sphériques ?