Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/35

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social qui détermine la valeur des individus, l’auteur de l’Unique estime que la qualité de la société varie selon la qualité des associés ; mais en un autre sens Stirner et Karl Marx sont d’accord : les questions pratiques ou sociales sont à leurs yeux les plus importantes de toutes. Pour Nietzche, au contraire, les questions pratiques ou sociales sont secondaires : il y a un idéal de civilisation désintéressée que l’humanité doit s’efforcer d’atteindre ; l’essentiel est de diriger l’éducation des individus de manière à rapprocher l’humanité de cet idéal ; l’organisation de l’État et de la société ne doit être qu’un moyen pour défendre la civilisation contre la barbarie et permettre l’éducation de l’humanité.

Stirner montre comment le progrès de la pédagogie est lié au progrès social. La période qui va de la Réforme à la Révolution française est à ses yeux une période de sujétion : il y avait en présence des maîtres et des serviteurs, des puissants et des « mineurs » : aussi l’éducation était-elle réservée à la classe des « majeurs » ; elle était un moyen de domination et un privilège de l’autorité. La Révolution française brisa cette organisation de servitude et permit à chacun d’être son propre maître : par une conséquence nécessaire, l’éducation dut devenir universelle. Le parti qui soutient l’ancienne éducation, l’éducation exclusive, est le parti des humanistes ; le parti qui soutient l’éducation nouvelle, l’éducation universelle, est le parti des réalistes. L’humanisme