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continue de chercher ses modèles dans l’antiquité classique, comme le christianisme continue à chercher la vérité dans la Bible ; l’humanisme maintient une classe de savants, comme le christianisme maintient une classe de clercs : ainsi se perpétue le romanisme. Une éducation fondée sur le grec et le latin ne peut être d’ailleurs qu’une éducation purement formelle : d’une part, en effet, elle ne peut ressusciter l’antiquité morte et depuis longtemps enterrée ; elle ne peut conserver que les formes, les schèmes de la littérature et de l’art ; d’autre part, la forme suffit à donner la supériorité : l’éducation des humanistes fut donc une éducation élégante, une éducation du goût, du sens de la forme. Le XVIIIe siècle se souleva contre ce formalisme : on ne pouvait reconnaître à tous les hommes des droits inaliénables sans accorder à tous une éducation humaine. Il fallait préparer dès l’école chaque citoyen à exercer sa part de souveraineté. Mais l’éducation ne doit pas seulement être universelle en ce sens qu’elle est accessible à tous ; elle doit encore cesser de s’en tenir exclusivement à l’antiquité gréco-romaine.

Selon Stirner, le réalisme est supérieur à l’humanisme, parce qu’il applique dans le domaine de la pédagogie les principes de liberté et d’égalité proclamés par la Révolution française[1], et parce qu’au lieu d’étreindre l’ombre du passé, il s’efforce d’em-

  1. Stirner, Kleine Schriften, pp. 13-14.