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taphysiques sont des chaînes, mais il ne veut pas qu’on brise ces chaînes inconsidérément. La plus grande prudence est nécessaire : on ne doit accorder la liberté qu’à l’homme parvenu à la noblesse morale : le temps n’est pas encore venu d’affranchir tous les hommes[1].

Nietzsche est aristocrate dans sa deuxième période comme dans sa première ; il a simplement substitué l’oligarchie des esprits libres à l’ordre des génies créateurs en art ou en religion ; aussi quand, dans La gaie science, il veut opposer la liberté à la moralité traditionnelle, c’est l’exemple de Richard Wagner qui lui revient à l’esprit[2]. Stirner, dupe malgré tout de la métaphysique supranaturaliste qu’il combat, oppose toujours le sujet à la substance et veut que la liberté absolue du Moi triomphe de tous les objets qui lui font obstacle ; de son côté, Nietzsche demeure fidèle au fond aux idées de sa première période en dépit de sa conversion superficielle : les hommes supérieurs sont toujours à ses yeux la raison d’être de l’humanité. Ainsi les différences fondamentales subsistent sous les ressemblances apparentes.


c) L’Immoralisme


En partant de sa conception du Moi unique et libre, Stirner devait aboutir par deux voies à l’im-

  1. Nietzsche, Werke, III, 371-372.
  2. Nietzsche, Werke, V, 134.