Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/80

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ou refuse le permis de chasse, nomme les colonels des régiments, etc.

La nuit du 4 Août a supprimé la monarchie d’ancien régime pour lui substituer une monarchie moins limitée, la monarchie absolue de la nation[1]. La Révolution française n’a pas plus donné à chaque citoyen l’indépendance que la Réforme de Luther n’a affranchi les croyants de la religion : le citoyen est un protestant politique qui a le droit de communiquer, sans hiérarchie intermédiaire, avec son Dieu, l’État, et de le servir directement. Dorénavant, plus de noblesse, plus de corporation : un seul souverain, l’État tout-puissant, règne sur ses dévots serviteurs.

Le despotisme de l’État n’a pas seulement le tort de réduire chaque citoyen en esclavage ; il a encore l’inconvénient de faire peser sur nous tout le poids du passé. Le décret qui a été promulgué tel ou tel jour par le caprice du souverain nous lie à jamais. Ici encore, la forme de gouvernement est indifférente : la loi votée par la majorité n’en est pas moins une règle inébranlable. Même en supposant qu’un texte réunisse à telle ou telle date l’unanimité des législateurs et le consentement unanime des citoyens, je n’en serais pas moins esclave ; j’aurais simplement contribué à forger mes chaînes. Ma créature M’aurait emmené en captivité, ma volition aurait dominé ma volonté. Mon progrès serait entravé par la perma-

  1. Stirner, Der Einsige, p. 121.