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Secondement, si un poids de cinq livres pouvait n’être pas emporté par un poids de six, vous concevrez qu’il ne le serait pas non plus par un poids de mille livres ; car s’il résistait à un poids de six livres par un principe indépendant de pesanteur, et ce principe, quel qu’il fût, n’aurait pas plus de proportion avec un poids de mille livres qu’avec un poids de six, parce qu’il serait d’une nature différente de celle des poids.

Ainsi si l’ame résiste à une disposition matérielle du cerveau qui la porte à un choix vicieux, et qui, quoique modérée, est pourtant plus forte que la disposition matérielle à la vertu, il faut que l’ame résiste à cette même disposition matérielle du vice quand elle sera infiniment au-dessus de l’autre, parce qu’elle ne peut lui avoir résisté d’abord que par un principe indépendant des dispositions du cerveau et qui ne doit pas changer par les dispositions du cerveau.

En troisième lieu, si l’ame pouvait voir très clairement malgré une disposition de l’œil qui devrait affoiblir la vue, on pourrait conclure qu’elle verrait encore malgré une disposition de l’œil qui devrait empêcher entièrement la vision, en tant qu’elle est matérielle.

En quatrième lieu, on convient que l’ame dépend absolument des dispositions du cerveau pour ce qui regarde le plus ou le moins d’esprit ; cependant si, sur la vertu ou le vice les dispositions du cerveau ne déterminent l’ame que lorsqu’elles sont extrêmes, et qu’elles lui laissent la liberté lorsqu’elles sont modérées, en sorte qu’on peut avoir beaucoup de vertu malgré une disposition médiocre au vice, il devrait être aussi, qu’on peut avoir beaucoup d’esprit malgré une disposition médiocre à la stupidité, ce qu’on ne peut pas admettre ; il est vrai que le travail augmente l’esprit, ou pour mieux dire, qu’il fortifie les dispositions du cerveau, et qu’ainsi l’esprit croit précisément autant que le cerveau se perfectionne.

En cinquième lieu, je suppose que toute la différence qui est entre un cerveau qui veille et un cerveau qui dort, est qu’un cerveau qui dort est moins rempli d’esprits, et que les nerfs y sont moins tendus, de sorte que les mouvemens ne se communiquent pas d’un nerf à l’autre, et