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encore tuer un homme en le voulant tuer, mais sans le tuer précisément parce qu’il le voudrait, puisque les dispositions du cerveau qui le portaient à vouloir tuer pourraient encore exciter dans son bras le mouvement par lequel il tuerait indépendamment de l’ame ; qu’ainsi, l’ame dans tous les hommes ne serait la cause d’aucun mouvement, mais qu’elle le voudrait seulement dans le temps qu’il se ferait, et par conséquent l’ame ôtée, les hommes feraient encore tout ce qu’ils font, ce qui ne peut être admis.

Donc le mouvement du bras de ce fou est volontaire ; mais certainement ce mouvement n’est pas libre.

Donc il n’est pas absolument de la nature des mouvemens volontaires d’être libres.

En effet, c’est l’ame de ce fou qui remue son bras, parce qu’elle veut tuer ; mais elle est portée nécessairement à vouloir tuer, par les dispositions de son cerveau.

QUATRIÈME PARTIE.

Il ne me reste plus qu’à découvrir la source de l’erreur où sont tous les hommes sur la liberté et la cause du sentiment intérieur que nous en avons.

Tous les préjugés ont un fondement, et après l’avoir trouvé, il faut trouver encore pourquoi on a donné dans l’erreur plutôt que dans la vérité.

Les deux sources de l’erreur où l’on est sur la liberté, sont que l’on ne sait ce que l’on veut faire, et que l’on délibère très souvent si on fera ou si on ne fera pas.

Un esclave ne se croit point libre, parce qu’il sent qu’il fait malgré lui ce qu’il fait, et qu’il connaît la cause étrangère qui l’y force ; mais il se croirait libre s’il se pouvait faire qu’il ne connût point son maître, qu’il exécutât ses ordres sans le savoir, et que ces ordres fussent toujours conformes à son inclination.

Les hommes se sont trouvés en cet état ; ils ne savent point que les dispositions du cerveau font naître toutes leurs pensées et toutes leurs diverses volontés ; et que les ordres qu’ils reçoivent, pour ainsi dire, de leur cerveau, sont toujours conformes à leurs inclinations, puisqu’ils causent l’inclina-