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Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/202

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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


Il ne se sentait plus capable de la haine
Et toujours était près de rentrer dans sa chaîne.

Je croyais qu’un objet, quand on a pu l’aimer,
Sût le chemin d’un cœur qu’il avait su charmer,
Et malgré le dépit pouvait toujours prétendre
À regagner un cœur qui sait mal se défendre.

Aussi, jusqu’à présent, crainte d’être surpris,
J’évitais avec soin de rencontrer Iris,
Crainte que de ses yeux la pénétrante flamme
Ne sût encore trouver le chemin de mon âme.

Je ne me croyais pas encor bien affermi,
Je redoutais les coups d’un si grand ennemi ;
Malgré les divers tours de son âme infidèle,
Je me sentais encor un fonds d’amour pour elle.

Mais j’ai vu depuis que ce reste d’ardeur
Était dans mon esprit plutôt que dans mon cœur,
Et ce cœur a connu que pour être son maître,
Il n’avait pas seulement qu’à désirer de l’être.

J’avais bien évité sa vue en mille lieux,
Quand un jour le hasard la fit voir à mes yeux.
D’abord plus interdit qu’une jeune bergère
Qui trouve le serpent caché sous la fougère,
Je rougis, je pâlis, je changeai mille fois,
Je restai sans couleur, sans haleine et sans voix ;
Une morne langueur me causa mille peines,
Une froide sueur glaça toutes mes veines,
Et je puis assurer dans ce prompt mouvement
Que la crainte d’aimer me fit paraître amant.