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LE ZOMBI DU GRAND-PÉROU


allez la trouver fort étrange. Apprenez donc que la dernière nuit qu’il vint chez moi, il était si saoul qu’à peine pouvait-il mettre un pied l’un devant l’autre. Après qu’il fut descendu de cheval, et que mon malheur voulut qu’il y rencontrât Boüé, ce misérable petit Irois qui sert aujourd’hui chez le fermier du comte de Bellemontre, mon beau-frère, d’abord sa jalousie monta sur des échasses ; il me dit plus d’injures qu’il n’avait bu de verres de vin ; il courut l’épée à la main après cet enfant pour le tuer ; mais Dieu permit qu’il tombât, et je le fis porter sur mon lit, où il dormit longtemps avec aussi peu d’apparence de vie que s’il en avait été privé. Après cette première cuvée, il entr’ouvrit les yeux et les mains pour les jeter sur moi, qui étais assise sur une chaise à côté de mon lit et qui enrageais de bon cœur des outrages qu’il venait de me faire. Je résistai fièrement à ses caresses et ne voulus point me ranger à ses côtés. Je lui fis des reproches à mon tour, et des reproches si justes, mais tellement sensibles, qu’il eut l’effronterie de me donner un soufflet. Cette action, où vraisemblablement je ne devais pas m’attendre, m’alluma d’une colère extrême, et sans perdre de temps en de vaines plaintes, je le traitai à la pareille avec une vigueur qui n’est pas naturelle aux personnes de mon sexe, et qui lui donna beaucoup à penser. Néanmoins, après s’être remis de son étonnement : — Vous êtes bien hardie, comtesse, me