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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


m’avait prêté un des chevaux de l’Islets, et que je l’avais attaché sous la case à bagaces. Il crut indubitablement que la belle était de la partie, et sortant brusquement du lit : « Jules, s’écria-t-il, que l’on me selle promptement un cheval » ; et un moment après il se rendit chez elle, où Dieu sait le traitement qu’il lui fit. Nous vîmes du jardin qu’en passant devant la case à bagaces il fit prendre et ramener mon cheval à l’Islet, et cela nous obligea d’aller chez le baron du Marigot pour en emprunter un autre et une selle pour le prince étranger ; mais il n’y avait rien à faire, si bien que Son Altesse s’en retourna au Grand-Pérou et que je restai à coucher chez le baron, à la prière qu’il m’en fit.

Le barbare destin qui me livre la guerre
Et qui me fait courber sous le poids de sa loi
Ne m’a pas réservé quatre pouces de terre
            Ni seulement laissé de quoi
Pouvoir, comme un renard, coucher parfois chez moi.

Je croyais fermement que Dieu avait inspiré à ce jeune homme de m’arrêter, car nous avons su depuis que le marquis avait résolu cette nuit-là de m’assassiner au Grand-Pérou ; et le lendemain matin il vint avec une fureur démesurée pour me maltraiter chez sa sœur. Mais le baron, quoique son neveu, le repoussa à la demi-lune avec tant d’honneur et d’hospitalité que j’ai lieu de lui en être éternellement