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LE RUT OU LA PUDEUR ÉTEINTE


Le discret Céladon parla si tendrement,
Il exprima si bien son amoureux tourment,
Il vanta tant l’éclat de sa nouvelle chaîne
   Et les attraits de Dorimène,
   Qu’enfin après quelques moments,
   Cette bergère toute humaine
Lui donna le plaisir des derniers enjoûments.
   Il mit sa bouche sur la sienne,
Où demeurant pâmé de l’excès du plaisir,
   Il passa son premier désir,
   Et comme l’E… dans Vienne,
  Il se sentit de mollesse saisir.
   Mais ensuite, ainsi que l’abeille,
Quand le printemps renaît, vole de fleur en fleur,
De même Céladon, de merveille en merveille,
Eut bientôt promené son amoureuse ardeur.
   L’amour, à deux ou trois reprises,
  Se signala dans leurs embrassements,
Et leurs âmes enfin, des mêmes feux éprises,
Se soûlèrent au miel de leurs enlacements.


Après qu’ils se furent ainsi témoigné leur mutuelle affection, Dorimène, qui se trouvait bonne marchande de la réception de Céladon, lui en témoigna sa gratitude le plus tendrement qu’il lui fut possible. Mais pour ne pas le laisser dans la pensée qu’il avait pu concevoir que sa facilité venait de la perte qu’elle avait déjà faite de sa pudeur aux approches d’un autre amant, elle jugea à propos de lui protester de nouveau qu’elle avait été vaincue par la force de ses charmes contre lesquels il n’était pas aisé de se raidir.