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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO

Casanova appelle avant tout : grand ami de mon père.

« M. Baffo donc, dit Casanova dans ses Mémoires, sublime génie, poète dans le plus lubrique des genres, mais grand et unique, fut cause qu’on se détermina à me mettre en pension à Padoue, et c’est à lui, par conséquent, que je dois la vie. Il est mort vingt ans après, le dernier de son ancienne famille patricienne ; mais ses poèmes, quoique sales, ne laisseront jamais mourir son nom. Les inquisiteurs d’État vénitiens auront par esprit de piété contribué à sa célébrité ; car, en persécutant ses ouvrages manuscrits, ils les firent devenir précieux : ils auraient dû savoir que spreta exolescunt. »

On trouvera encore dans Casanova quelques traits qui montrent le caractère de Baffo sous un jour très heureux.

« Dès que l’oracle du professeur Macop fut approuvé, ce fut M. l’abbé Grimani qui se chargea de me trouver une bonne pension à Padoue par le moyen d’un chimiste de sa connaissance qui demeurait dans cette ville. Il s’appelait Ottaviani et il était aussi antiquaire. En peu de jours la pension fut trouvée, et le 2 avril 1734, jour où j’accomplissais ma neuvième année, on me conduisit à Padoue dans un burchiello par le canal de la Brenta, Nous nous embarquâmes à dix heures du soir, immédiatement après souper.

« Le burchiello peut être regardé comme une petite maison flottante. Il y a une salle avec un cabinet à chacun de ses bouts, et gîte pour les domestiques à la proue et à la poupe : c’est un carré long à impériale, bordé de fenêtres vitrées avec des volets. On fait le voyage en huit heures. L’abbé Grimani, M. Baffo et ma mère m’accompagnaient : je couchai dans la salle